* Critique: Théâtre: «Des promesses, des promesses» de Douglas Maxwell: Micheline Bernard au sommet de sa forme
Écrit par : yanik
Verdun, dimanche, le 25 mars 2018 - De mémoire, la première fois que j’ai vu Micheline Bernard sur scène, c’était à La Licorne. L’ancienne Licorne. Pas celle qui était un minuscule café sur le boulevard Saint-Laurent et qui offrait déjà une dramaturgie percutante, nouvelle, fraîche, fascinante. Mais l’ancienne Licorne quand même. Celle de la rue Papineau tout de suite après le déménagement. Elle y jouait dans «Jocelyne Trudelle trouvée morte dans ses larmes» de Marie Laberge dans une mise en scène de l’auteure (à quand remonte la dernière mise en scène de Marie Laberge, hein ?) aux côtés de Linda Sorgini, Michel Daigle, Louise Laprade… encore de mémoire. Je me souviens d’avoir été instantanément happé par cette grande comédienne… émergente ?
par Yanik Comeau (ComunikMédia/ZoneCulture)
Ces jours-ci, la même Micheline Bernard, qui a depuis ravi des générations d’enfants et d’ados dans le rôle d’une autre Jocelyne dans la comédie du Canal Famille/VRAK-TV Radio Enfer, remonte sur la scène de la Petite Licorne pour reprendre un succès de l’an dernier, le one woman show de l’Écossais Douglas Maxwell, «Des promesses, des promesses», dans une éblouissante traduction de Maryse Warda et une non moins sublime et subtile mise en scène de Denis Bernard.
Ces promesses, ces promesses, celles de la pièce, sont nombreuses. On parle des promesses que les enseignants font à leurs élèves au quotidien. La promesse de leur apprendre quelque chose chaque jour, qu’ils repartiront à la maison avec un peu plus d’information qu’ils en avaient en arrivant le matin. La promesse toute spéciale que fait Miss Brodie, enseignante deux fois retraitée qui accepte un autre remplacement à court terme,... et qui se retrouve, encore une fois, victime de ses propres convictions, de sa propre passion, de sa propre détermination, de sa propre tendance à «l’auto-justice». Un texte d’une pertinence et d’une puissance inouïes qui se déballe couche après couche comme une boîte dans une boîte dans une boîte… qui contiendraient une bombe.
Pour livrer ce texte finement tissé, pour interpréter cette Miss Margaret Brodie et tous les personnages qu’elle nous imitera en nous racontant son histoire, en nous servant au compte-gouttes les anecdotes pas du tout anecdotiques qui composent son récit, Denis Bernard a fait appel à sa cousine (si Wikipédia dit vrai…) Micheline qui endosse le personnage avec une conviction et une férocité qui donne des frissons dans le dos. Miss Maggie n’est pas une femme que l’on prend à la légère. Qui s’y frotte s’y brûle.
Dans le décor singulier et multifonction qu’a pensé Marc Senécal, la comédienne passe par une pléthore d’émotions, d’états physiques et psychologiques qui bafoue. Un solo hypnotisant de 90 minutes ! Avec la précision d’une neurochirurgienne de talent, appuyée dans la salle d’op par un non moins habile spécialiste du cœur, Micheline Bernard est au sommet de sa forme. Si 60 est le nouveau 40, Micheline Bernard en est le porte-étendard, la poster child. Quelle énergie ! Quelle force ! Quelle vitalité époustouflante !
Dans le programme, Douglas Maxwell raconte qu’il avait été sidéré par le talent de Micheline Bernard lorsqu’en 2014, il était passé à Montréal dans le cadre d’un échange Québec-Écosse pendant lequel une traduction de sa pièce, "A Respectable Widow Takes To Vulgarity", avait été présentée en lecture publique. Micheline Bernard était de la distribution. «Plus tard, au bar, j’ai timidement abordé Micheline et lui ai parlé de ma pièce "Promises Promises". «Ce rôle serait parfait pour toi»… et j’en ai rajouté. C’était de la pure convoitise de ma part! N’importe quelle pièce serait parfaite pour elle! Ou plus précisément, elle serait parfaite pour n’importe quelle pièce!» Il n’y a pas tant d’actrices, d’une génération à l’autre de qui l’on peut dire des choses comme ça sans que les cyniques lèvent les yeux au plafond.
Micheline Bernard est clairement de celles-ci. Et «Des promesses, des promesses» est de ces productions, de ces performances d’actrices à marquer d’une pierre blanche. Heureusement que le Théâtre de la Manufacture a compris qu’il faille ouvrir de nouvelles supplémentaires et donner la chance au plus grand nombre de voir cette perle éblouissante.
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«Des promesses, des promesses» (Promises, Promises) de Douglas Maxwell
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène: Denis Bernard
Avec Micheline Bernard
Une production de La Manufacture
Du 19 mars au 6 avril 2018 – lundi au jeudi 19h, vendredi 20h (1h30 sans entracte)
*** Nouvelle série de supplémentaires: 11 au 22 mars 2019
Théâtre La Licorne, 4559, avenue Papineau, Montréal
Billetterie: 514-523-2246 – theatrelalicorne.com