* Critique: Théâtre: «Le Poisson Combattant» de Fabrice Melquiot: Aquanaute


Écrit par : yanik

Verdun, lundi, le 12 mars 2018 - Cette saison, autant avec leurs productions «maison» qu’avec leurs productions invitées, Carmen Jolin et son Prospero peuvent se vanter de ne pas avoir fait beaucoup d’erreurs. On n’est, en effet, pas très loin du sans faute. «Le Poisson Combattant» de Fabrice Melquiot, pièce offerte par le Théâtre du Passage (Suisse), ne fait pas exception.

par Yanik Comeau (ComunikMédia/ZoneCulture)

Présenté jusqu’au 17 mars dans la salle principale du théâtre de la rue Ontario, ce 'one-man show mis en scène par l’auteur et écrit spécifiquement pour le comédien (et directeur artistique de la compagnie invitée) Robert Bouvier, est à la fois réconfortant et désorientant. Autant le texte peut nous égarer et nous faire froncer les sourcils par moments, autant il s’avère d’une grande beauté et d’une enivrante poésie qui réchauffe et rassure. Il en est de même pour le jeu de l’acteur, à la fois criant de vérité et déconcertant au niveau du ton, du débit et du phrasé. La mise en scène s’inscrit dans la même lignée, plongeant le comédien au milieu d’un ‘aquarium’ (pour rester dans la métaphore du poisson) tout blanc qui rappelle le décor de «La céleste bicyclette» de Roch Carrier. Comme la pièce de Carrier, le texte de Melquiot est à la fois fantaisiste et réaliste, poétique et rationnel, lyrique et accessible.

Replongeant dans ses souvenirs d’enfance, Melquiot offre à son acteur et à son public une partition qui se «lit» comme un conte pour enfants tout autant que pour adultes. Il dédit son spectacle à un poisson combattant, un 'guppy', Charlie, le sien, celui qu’il avait quand il était jeune et qui lui a brisé le cœur lorsqu’il est mort. On s’attache à ces petites bêtes-là, même celles avec lesquelles il est difficile d’avoir une grande interaction, de développer une grande complicité.

Utilisant des projections et des enregistrements vocaux, Melquiot-auteur-et-metteur-en-scène crée tout un univers autour de son personnage, lui donne une famille, une maison, un lieu où habiter. Pourtant, malgré le décor onirique et la croyance de l’auteur en la poésie pour assurer la pérennité de l’être humain, jamais on ne se sent trop loin d’un certain réalisme qui nous rattache, nous donne les repères nécessaires pour ne pas nous perdre. L’universalité du personnage, de son message, de son humanité transcende les frontières tout autant que les sensibilités personnelles.

Il faut continuer de souhaiter que de belles productions comme celle-ci franchissent les océans et sachent rejoindre un public plus grand. De part et d’autre. Après le «Warda» de Sébastien Harrisson, qui a été présenté autant en Belgique qu’au Québec avec une distribution internationale (coproduction des Deux Mondes et Le Rideau de Bruxelles), il fait bon découvrir ce texte de Melquiot, auteur très peu monté chez nous (L’Option-Théâtre du Cégep Lionel-Groulx présentait «Marcia Hesse» en 2009, m’a rappelé l’amie qui m’accompagnait à la première, mais…), et on aimerait pouvoir en voir davantage. Avis aux directeurs artistiques de nos théâtres.

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«Le Poisson Combattant»
Texte et mise en scène: Fabrice Melquiot
Avec Robert Bouvier
Une production de Compagnie du Passage (Suisse)
Jusqu’au 17 mars 2018 (1h15 sans entracte)
Théâtre Prospero – salle principale, 1371, rue Ontario Est, Montréal
Renseignements : 514-526-6582 – www.theatreprospero.com